le bleu est une couleur chaude...





arrivée à 6h00 dans le noir, passage de la porte des vestiaires, regard furtif dans les miroirs, silhouette et visage chiffonnés sous les néons, m'en fous, suis seule, ou presque... la dame au visage triste est là, assise sur son banc, terminant de lacer ses baskets, elle est déjà prête, elle me sourit et cet indéfinissable sourire de 6 heures du matin provoque en moi une joie douce et bleue comme l'eau de la piscine dans laquelle je vais m'oublier pendant 45 brasses coulées.  je passe mon maillot rose, enfile mon bonnet rouge et blanc, prends mes lunettes et me précipite vers le bassin. 6 heures et 5 minutes, je suis la première, le bleu m'appartient, il est à moi. je saute, je glisse, me laisse couler et porter par les remous de l'eau, oublie qui je suis, où je suis, je compte, ne fais que compter. 10. 20. 30. 40. 45... je ne suis qu'un tissu rose au ras de l'eau. je fixe la ligne blanche au fond du bassin, elle est la cadence de mon souffle, ma pause de respiration. je tends mes bras, déplie mes jambes et pousse très fort,  je donne des coups aux démons acharnés, passés, présents, je défie tous mes ennemis, dans l'eau je suis toujours vainqueur, dans l'eau je suis la meilleure, dans l'eau je remporte tous les combats, dans l'eau les vents malins ne me font plus rien, dans l'eau tous les éditeurs acceptent mes traductions, dans l'eau tout est possible, dans l'eau j'oublie la terre et la poussière de derrière les murs, dans l'eau je suis reine et mon palais est fait de poèmes bleus, leurs vers sont les vagues que forment mes bras... dans l'immensité bleue, je ne suis pas vraiment seule, je parle à quelqu'un qui n'est plus là, je me confie et je règle mes comptes, parfois même je crie et parfois même, l'eau me répond, elle me dit de ne pas renoncer, de ne pas avoir peur, de croire aux lueurs et aux valeurs. 10.20.30.40.45... je bois les paroles de l'eau, elles font écho en haut à gauche, sous ma bretelle rose, Poc poc poc... Tam tam tam... répond mon coeur hésitant entre rose solide et bleu liquide. quand l'eau a terminé de panser, quand j'ai terminé mes longueurs, je refais surface, m'extrais à regret de ma bulle bleue. il est 6h45, il faut sortir dehors. Dans les vestiaires, je retrouve la dame assise sur son banc, enfilant ses bas noirs. dans le miroir, nos sourires se croisent, moins tristes, plus complices. à nous deux, nous avons  franchi des montagnes, elle en courant, moi en nageant.

une nouvelle journée nous attend, elle sera bleue.

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