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Il n'y a donc pas de solitude de... Mircea Ivănescu

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 Mardi, c’est poésie, c’est Roumanie. Et aujourd'hui, j’ouvre la porte à Mircea Ivănescu dont la poésie a réussi, pour reprendre les propos de Gabriel Liiceanu, « à pousser les mots dans un territoire qui semblait leur rester inaccessible : le territoire de « l’instant » ». Si tous les instants pouvaient être des poèmes, je choisirais ceux de Mircea Ivănescu. Et le premier serait celui-ci : *** Il n’y a donc pas de solitude, nous sommes toujours plus nombreux – en nous-même,  où que nous allions – et qu’importe combien de fois nous implorions     les autres d’avoir pitié de la solitude  de celui ou de celle qui se cachent, aux aguets, en nous.   À l’évidence, c’est surtout quand nous prions ceux qui nous entourent et déroulons devant eux ce que nous nommons solitude,  un parchemin couvert d’une écriture arrondie – c’est alors surtout là que nous ne sommes pas seuls.  (C’est plutôt   quand nous sommes seulement nous, et qu’en nous, de l’intérieur,   l’un tourne le dos, par tromperie

Beaucoup de choses de... Letiția Ilea

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 Mardi, c’est poésie, c’est Roumanie. Et aujourd'hui, c'est  Beaucoup de choses dans le très beau Blues pour chevaux verts de Letiția Ilea (éditions Le Corridor bleu , 2012). *** BEAUCOUP DE CHOSES je dois apprendre ce matin à regarder au loin vers l'aube des neiges fondues à desserrer ma bouche en un sourire insignifiant à m'habiller pour la saison de la peur puis je dois me rappeler de beaucoup de raisons une chose qui doit être continuée une action noble un vers réussi perdu au milieu de papiers poussiéreux oui j'ai beaucoup de raisons, le cactus, le chien je dois aussi en oublier beaucoup d'autres pour la plupart de plus en plus délicates et le vieux problème de la compréhension s'aggrave à mesure des jours qui passent la matinée s'écoule en établissant des permutations des combinaisons et autres options plans échoués timides décisions dans les scories de l'après-midi apparaissent de nouvelles choses qui doivent être assimilées rappelées oublié

Je n'écris plus de poésie... de Gheorghe Crăciun

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Le poème du mardi appartient au grand Gheorghe Crăciun .   Celui-ci et quelques autres ont été découverts après sa mort par sa fille, puis publiés par la revue Observator cultural . **** Cela fait longtemps que je n’écris plus de poésie. Je ne sais plus comment ça s’écrit une poésie. J’ai perdu le sens du langage intermittent. Mon corps est éveillé et fatigué. Les cheveux continuent de déployer leur sauvagerie. Dehors l’hiver noir jaillit. Les rues sont envahis par le bruit de mon coeur. La conscience morale, cette conscience morale d’emprunt. Les souvenirs font tout sombrer, dans les bas-fonds les plus profonds. Les souvenirs sont les jouets de mes nerfs tendus et raidis. La raideur de la fibre de l’arc La raideur du fil d’acier dans l’anatomie interne du piano. La raideur des doigts, la pointe du cri dans le vide. Je n’écris plus de poésie. Je ne fais plus de métaphores. Je n’ouvre plus les yeux le matin pour vivre la même aventure répétable. Je tourne dans la cage Mes dents effritée