On a été bien quelque temps... de Moni Stănilă
Poème du mardi.
Moni Stănilă.
Numéro 34 extrait d'Ofsaid, publié aux éditions Nemira, dans la collection Vorpal.
***
On a été bien quelque temps
puis les publicités, les discours sur la beauté
se sont emparés de la poésie. Les poètes
sont allés ailleurs, ils ont réservé la souffrance et
l’émotion aux espaces réduits. L’inadaptation et
les décalages sociaux. Le discours green et les amours non partagées.
La rectitude politique. L’esthétique d’un match de foot.
Les ruines morales des grandes villes.
Puis la pandémie est arrivée. La peur et
la frustration généralisée. La virtualisation de la vie sociale.
La poésie s’est entêtée à rester ce qu’elle avait été.
Mais la claustration a été plus forte. Et tous
ont pensé que c’était le plus dur.
Là est arrivée la guerre, tout près de nous, et les poètes ont cessé de
chercher des pauses de respiration, ce qui se disait
est devenu plus tranchant que n’importe quel vers.
Plus violent que n’importe quelle pandémie.
Les titres des journaux ont lacéré la fine armature
de nos pensées :
Les couloirs humains sont bombardés
La centrale atomique de Tchernobyl est attaquée
Au moins 103 enfants ont été tués en Ukraine depuis le début de l'invasion russe
Des troupes de mercenaires recrutés pour tuer le président
Zelenski
Des bébés bombardés
Poutine a attaqué la maternité numéro 2 de Marioupol
Le maire de Gostomel tué alors qu'il distribuait du pain et
des médicaments
Dixième jour sans eau ni chauffage à Marioupol
Les mères fuient avec leurs enfants dans les bras
La réalité s'est transformée en
la plus brutale forme de poésie.
Le silence n'appartient qu'aux morts - de Boutcha (l.e.)
et aux lâches.
Le ciel de l'Ukraine reste dégagé et les personnes âgées prient
pour la pluie ou la neige -
de l'eau sous n'importe quelle forme
pour Marioupol.
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